Les médicaments peuvent-ils être considérés comme des produits de consommation comme les autres ?
" les médicaments
sont-ils des produits de consommation
comme les autres ? "
Les différents articles que je retranscris ici pourront, sans doute, éclairer d'un jour nouveau la confiance dont bon nombre de Français ont dans les médicaments, qui, bien qu'évidement utiles dans de nombreux cas, sont devenus pour de nombreux laboratoires pharmaceutiques des produits qu'il faut vendre à des malades qui sont, eux, devenus des clients.
INTERVIEW - Alors que depuis le début du scandale Servier, les laboratoires et les experts médicaux sont montrés du doigt, Nicole Delépine, responsable de l'unité d'oncologie pédiatrique de l’hôpital Raymond Poincaré à Garches (APHP) et auteure de «La face cachée des médicaments» (Ed. Michalon) explique pourquoi ils ne sont pas les seuls à blâmer...
Les laboratoires font leur travail, ce sont des marchands. Ils sont là pour vendre des produits. Ils ne sont pas les seuls à être responsable des dysfonctionnements, c’est toute la chaine qui est corrompue. D’abord, les essais thérapeutiques faits sur les médicaments sont réalisés par les laboratoires, qui ne sont pas tenus de publier les résultats, même si ces derniers sont négatifs. Ensuite, les experts qui donnent leur avis sur les produits sont payés par ces mêmes laboratoires. Ce sont des conflits d’intérêt qui commencent à être connus mais qui ne sont toujours par sanctionnés par la loi. En plus, si les professionnels du secteur ne rentrent pas dans le moule, ils savent qu’ils prennent le risque de jouer leur carrière.
Les médecins, eux aussi, ont leur part de responsabilité. Pour les prescriptions, ils se basent souvent sur des résultats d’études. Or quand on va à la source, on se rend compte que les termes utilisés dans les publications sont fallacieux.
Il faut mettre des garde-fous. La première chose à faire est de retirer les produits des marchés dès qu’il y a un doute. Si l’enquête montre que ce n’était pas justifié, les remettre en vente. Actuellement, il est difficile de mettre un produit sur le marché mais il est encore plus difficile de l’y enlever car on discute, on se demande si c’est vraiment dangereux etc. Mais le pire dans tout ça, c’est que lorsqu’on retire un médicament de la vente, le laboratoire à le droit de porter plainte et il a quasiment toujours gain de cause au tribunal.
Il faut également interdire la publicité directe et indirecte pour les médicaments. Je pense aux dépistages systématiques organisés par les associations et qui sont souvent sponsorisés par les laboratoires. Ils n’ont qu’un but ultime: prescrire des médicaments. On nous dit que c’est pour le bien de la société française alors que beaucoup d’articles scientifiques, dans d’autres pays, soutiennent, par exemple, que les mammographies systématiques ce n’est pas bon. C’est toute la perception de la société française vis-à-vis des médicaments qu’il faut changer.
Ils doivent se renseigner. Quand un médecin vous prescrit de nouveaux médicaments, vous devez lui demander quels sont les effets secondaires et quels sont les risques sur le long terme liés à la prise de ce médicament. Si votre médecin n’est pas en mesure de vous répondre ou qu’il est embarrassé, vous devez demander un autre avis médical.
Les médecins doivent aussi résister à la tentation de faire des ordonnances, qui ne leur semblent pas forcément utiles, sous prétexte que les patients ne veulent pas partir sans qu’on leur ait prescrit quelque chose. Ils ne doivent pas avoir peur que leur clientèle s’en aille, même si c’est facile à dire. Si votre médecin n’accède pas à votre demande, surtout, gardez-le.
>> Pour lire le rapport de la Caisse nationale d'assurance maladie sur la consommation de médicaments, cliquez ici
source : 20minutes
Le témoignage d'une visiteuse médicale
L'influence de la visite médicale serait bien réelle. Deux médecins témoignent de leurs relations avec les laboratoires et reconnaissent quasiment ne plus recevoir de visiteurs médicaux. Des visiteurs pourtant très influents...
Pas bavards en ce moment les médecins... Seuls deux ont accepté, anonymement, d'évoquer leurs relations avec les laboratoires pharmaceutiques. Un seul a prescrit, «une fois», du Mediator, «à une patiente qui a longtemps insisté». Tous les deux avaient «des doutes» sur ce médicament. «Le Mediator m'était idéalement présenté pour tous ceux qui voulaient perdre trois-quatre kilos, se rappelle vaguement l'un. Quand j'ai fait remarquer qu'il n'était pas entré aux États-Unis, on m'a répondu que ce pays était plus strict, mais qu'il n'y avait pourtant aucun risque». L'un comme l'autre ne reçoivent plus, ou presque, de visiteurs médicaux. «Je m'informe désormais par d'autres moyens que les labos», témoigne l'autre praticien à qui il est déjà arrivé de voir «cinq ou six visiteurs par jour» dans des salles d'attente.
«Ni plus ni moins du marketing»
«La visite médicale, c'est ni plus ni moins du marketing. Quand un nouveau médicament sortait, on pouvait avoir dans la même semaine un, deux ou trois visiteurs qui vous répétaient le même discours. Eh bien, vous avez beau dire que votre liberté de prescrire est intacte, que vous êtes indépendant, au moment de prescrire, ça revient... C'est comme quand vous vous retrouvez devant un rayon de yaourts : quand il y a plein de marques que vous ne connaissez pas, vous prenez celle dont vous avez déjà entendu parler...».
Visite encadrée depuis 2004
L'influence de la visite médicale serait bien réelle, confirme le rapport d'une mission d'information du Sénat publié en juin 2006: « On évalue à 30 % l'augmentation du chiffre d'affaires sur un produit promu auprès des médecins ». Pas anodin quand on sait qu'en France 90% des consultations donnent lieu à prescription de médicaments (43% aux Pays-Bas, 72% en Allemagne). «Il apparaît donc logique, poursuit le rapport, que les visiteurs médicaux, rémunérés au volume, vantent les avantages de médicaments sans insister sur les effets secondaires ou les nécessaires précautions d'emploi ». Depuis décembre 2004, une charte encadre la visite médicale : fin des petits cadeaux « même de valeur négligeable », meilleure qualité de l'information...
Cependant :
Selon un rapport de la mission d'information du Sénat de juin2006, l'industrie pharmaceutique assure 98% du financement de l'indispensable formation continue des médecins. Certains aspects de cette formation sont régulièrement dénoncés. Cela va de la soirée thématique, généralement autour d'une (très) bonne table, à l'invitation à des congrès internationaux. «Si je le voulais, je pourrais partir tous les quinze jours», assure Nicolas Albin, cancérologue à Rouen, cité dans le livre «Les Médicamenteurs» (Éditions du Moment).
Et s'il y a moins de visiteurs médicaux, il y a plus de congrès :
Bras armé de l'industrie pharmaceutique (75% du budget marketing), les visiteurs médicaux étaient 23.000 en 2005, soit près d'un quart des effectifs des laboratoire. «Fin 2008, ils n'étaient plus que 20.346, rapporte le livre-enquête «Les Médicamenteurs» (Éditions du Moment). Le Leem (NDLR : le syndicat - lobby - du médicament) estime que 5.000 à 7.000 autres seront licenciés d'ici à 2015», victimes de la hausse des prescriptions de génériques, du nombre croissant de brevets tombant dans le domaine public, des fusions de laboratoires et du déremboursement de médicaments...
Quant à la presse médicale elle est signée des Laboratoires :
« L'industrie contrôle la quasi-totalité de l'information dans le domaine du médicament. Cette situation est responsable de la surconsommation de médicaments et, en conséquence, de l'augmentation du risque d'effets secondaires », estimait en juin2006 un rapport du Sénat consacrée aux « conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments ». Une autre des sources d'information des médecins est sous contrôle des labos: la presse médicale. De même, les étudiants sont « très tôt soumis à leur influence », relève le même rapport.
Témoignage :
Une visiteuse médicale a accepté de raconter sa très brève incursion dans «le système Servier», à une époque où le Mediator se vendait «comme des petits pains». Deux médecins ont également accepté de parler de leurs relations avec les labos.
« L'Hyperium est un antihypertenseur particulièrement efficace...». Une quinzaine d'années après son très bref passage chez un des fleurons de l'industrie pharmaceutique française, Juliette n'a pas oublié un mot des argumentaires que ses patrons lui demandaient, à elle et à tous les visiteurs médicaux du groupe, d'apprendre « par coeur ». Juliette (prénom fictif, à sa demande) est entrée chez Servier dans les années 1990. Juste après avoir franchi, avec succès, la «terrible» étape de l'enquête de personnalité, généralement menée par d'anciens des services secrets. Jusqu'à la fin des années 1990, ces « barbouzes » étaient chargées de débusquer les « candidats gauchistes », contestataires ou syndiqués (Servier a été épinglé pour cela en 1999, comme l'a révélé Le Canard Enchaîné).
«C'était quasi militaire»
Après son embauche, Juliette a bénéficié d'une formation: dix semaines « intensives », « sans temps morts ». « La formation Servier, c'était quasi militaire, se souvient-elle. Il fallait tout connaître, tout réciter à la virgule près. On était filmé et contrôlé quotidiennement ». Après ces dix semaines, dans une voiture flambant neuve, elle arrive dans la région d'une grande ville bretonne. Dans son cartable, les médicaments du groupe, dont le Mediator. « On ne m'a jamais demandé de le vendre comme un coupe-faim. Il fallait s'en tenir au discours maison : c'était un adjuvant pour diabétiques en surcharge pondérale », se rappelle-t-elle. Son prédécesseur n'avait visiblement pas retenu la leçon. « Il le présentait comme un médicament contre la prise de poids. Il était très persuasif et s'investissait beaucoup dans les relations avec les médecins », glisse-t-elle avec un sourire.
Selon elle, le Mediator s'est vendu « comme des petits pains » dans cette région de Bretagne(*). « C'était connu chez Servier. Il y avait ici, Bordeaux et Aix-en-Provence. Ces villes étaient littéralement arrosées ».
Le «style» et «la méthode» Servier
Mais au bout de quelques semaines, Juliette décroche. «Impossible» d'entrer «dans le moule Servier»: « La jupe et le carré Hermès de rigueur, le discours à réciter par coeur, l'absence de marge de manoeuvre... Je n'en pouvais plus ». Elle ne se sent pas plus en phase avec les méthodes du groupe: « C'était presque du matraquage. Il fallait toujours en remettre une couche. On noyait les médecins sous un flot d'arguments. Beaucoup s'y perdaient...». Même les produits qu'on lui demande de promouvoir ne la convainquent guère. « Pour certains, je voyais bien que les études en interne n'étaient pas fiables », assure-t-elle aujourd'hui. Nous avons aussi interrogé un ancien responsable régional, aujourd'hui cadre dans un autre grand laboratoire. Sa réponse a été brève: « Vous savez, c'est loin tout ça. Je ne me rappelle plus de cette époque ».
* La Caisse nationale d'assurance-maladie a été dans l'incapacité de nous donner des statistiques régionales ou locales sur les ventes et prescriptions de Mediator.
Un article de Libération, où il est question de valises de biftons à proposer aux médecins par un grand laboratoire pharmaceutique, est aussi très interressant à découvrir en suivant ce lien
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